Santé au travail : l’employeur doit-il verser le salaire en l’absence de visite de reprise ?

Publié le 20/02/2024
par Service juridique

La réponse est oui… mais à la seule condition pour le salarié de se tenir disponible pour réaliser cette visite. C’est ce qu’il faut retenir d’un arrêt récent de la Cour de cassation, qui est l’occasion de rappeler les grandes lignes de la visite de reprise. Cass.soc. 24.01.24, n°22-18.437. 

La visite de reprise, pour qui ? Pour quoi faire ?

La visite de reprise est organisée dans deux situations différentes : en cas d’absence d’une salariée à la suite d’un congé maternité ou pour une absence prolongée liée à une maladie. La période que couvre l’arrêt maladie entraîne pour le salarié, temporairement empêché de travailler, une suspension de son contrat de travail. A la fin de l’arrêt de travail, le salarié doit retrouver son emploi dès lors qu’il est toujours disponible(1) ou, à défaut, un « emploi similaire »(2) assorti d’une rémunération au moins équivalente.

Mais avant de pouvoir reprendre le travail, le salarié bénéficie d’un examen de reprise par le médecin du travail(3), où le cas échéant un infirmier en santé au travail. Cette visite est obligatoire dans les cas suivants :

  • arrêt lié à une maladie professionnelle peu importe la durée ;
  • retour de congé maternité peu importe la durée ;
  • arrêt d’au moins 30 jours justifié par un accident du travail ;
  • arrêt d’au moins 60 jours justifié par une maladie ou un accident non professionnel.

Les durées minimales s’appliquent aux arrêts de travail qui ont débuté après le 31 mars 2022.

Le médecin du travail aura la charge de vérifier si le poste de travail est compatible avec l’état de santé du travailleur. Il dispose de compétences particulières(4) pour favoriser le maintien en emploi du salarié, notamment la possibilité de faire des préconisations sur l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du travailleur. Le médecin du travail peut également émettre un avis d'inaptitude qui obligera l’employeur à rechercher un reclassement sur un autre poste, sauf s’il considère qu’un reclassement aggraverait l’état de santé du salarié(5).

Quand doit être organisée la visite de reprise ?

L’organisation de la visite de reprise relève des prérogatives de l’employeur. C’est « dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail » qu'il doit saisir le service de prévention et de santé au travail (SPST) afin de faire en sorte que cette visite soit organisée « le jour de la reprise effective du travail par le travailleur et au plus tard dans un délai de 8 jours qui suivent cette reprise »(6).

Pour que cette obligation soit effectivement opposable à l’employeur, le salarié doit l’informer de l’arrivée à terme de son arrêt et de son intention de reprendre le travail. La transmission de telles informations est fondamentale, puisque d’elle dépend non seulement l’obligation patronale d’organiser la visite de reprise(7) mais aussi le droit, pour le salarié, de s’abstenir à reprendre son travail(8) tant que celle-ci n’a pas été organisée.   

Le paiement du salaire est-il suspendu tant que la visite de reprise n’a pas eu lieu ?

Le salarié n’est pas tenu de reprendre le travail tant que la visite de reprise n’a pas été organisée par l’employeur. Il s’agit pour la Cour de cassation de rendre effective l’obligation de sécurité de l’employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs(9). En conséquence, l’absence du salarié ne peut être considérée comme fautive et justifier un licenciement(10) puisque le contrat de travail et les obligations qui en découlent sont suspendues :  fournir la prestation de travail pour le salarié et payer le salaire pour l’employeur…

Mais pour le paiement du salaire, la Cour de cassation a développé une jurisprudence(11) permettant la reprise de celui-ci dès lors que le salarié se tient à disposition de l’employeur, sauf si ce dernier démontre « une situation contraignante l’empêchant de fournir du travail ».

Cette jurisprudence vient d’évoluer, puisque l’arrêt du 24 janvier dernier précise maintenant de manière beaucoup plus claire que : « le salarié qui, à l'issue de son arrêt de travail, se tient à la disposition de l'employeur pour passer la visite médicale de reprise, a droit au paiement de sa rémunération. »

Ainsi, le salarié doit être à la disposition de l’employeur uniquement pour passer la visite médicale, et non pour être affecté à n’importe quelle tâche dans l’entreprise. De plus, la solution de la Cour de cassation ne fait plus mention d’une exception possible liée à une situation contraignante pour l’employeur.

Concrètement que doit faire le salarié ?

Le salarié a donc tout intérêt à faire part de sa disponibilité pour réaliser la visite de reprise avant même la fin de l’arrêt de travail et régulièrement tant que celle-ci n’a pas été organisée. Il devra bien sûr être en mesure de prouver que l’employeur à bien reçu ses différents courriers, une lettre avec accusé de réception restant le meilleur moyen de s’assurer une preuve incontestable.

 

[1] Dès lors que l’emploi du salarié est provisoirement occupé par un autre, il doit être considéré comme disponible. Cass.soc. 10.03.04, n°01-46.577.

[2] Sauf, bien entendu, avis d’inaptitude émis par le médecin du travail. Cas dans lequel le salarié sera reclassé ou, à défaut, licencié. Voir Action juridique n° 247, dont le dossier est consacré à l’inaptitude au travail.

[3] L.4624-2 et R4624-31 C.trav.

[4] Art. R.4624-31 1° à 4° C.trav.

[5] L. 1226-2-1 et L. 1226-12 C.trav.

[6] Art. R.4624-31 in fine C.trav.

[7] Cass.soc. 05.07.17, n° 15-21.959 : « l’absence d’organisation de la VR ne peut être reprochée à l’employeur tant que le salarié en arrêt de travail et qu’il n’a ni repris le travail, ni manifesté l’intention de le faire ».

[8] Cass.soc. 17.01.18, n° 16-26.560 : « l’absence injustifiée du salarié qui n’établit pas avoir adressé les justificatifs de son absence ni d’avoir informé l’employeur de sa date de retour constitue une faute grave »

[9] Cass.soc. 30.11.10, n° 09-40.160.

[10] Cass.soc. 13.01.21, n° 19-10.437.

[11] Cass.soc. 10.02.16, n° 14-14.259.

[12] A noter que de manière surprenante le ministère du Travail est venu préciser que « la durée de l’arrêt de travail peut être continue ou discontinue ». « Questions / réponses » publié sur le site du ministère du Travail le 28.04.22 (rubrique VPR, question / réponse n° 2).